88.

Ils avaient fait plusieurs fois le tour de la zone industrielle pour s’imprégner de l’environnement et, depuis le toit d’un bâtiment voisin, ils avaient observé l’entrepôt aux jumelles en attendant la tombée de la nuit. Aucun véhicule n’était entré ou sorti du hangar mais, toutes les demi-heures environ, un garde apparaissait à l’entrée principale, faisait le tour du bâtiment et retournait à l’intérieur. À n’en pas douter, il n’était pas là simplement pour surveiller des stocks de matières plastiques. On devinait aisément qu’il cachait une arme sous son manteau.

Krysztov repéra au moins quatre caméras de surveillance.

— Ça va être difficile de ne passer dans le champ d’aucune d’entre elles, expliqua-t-il en les montrant à Ari.

— Il faudra marcher dans les ombres… De toute façon, on finira bien par se faire repérer à un moment ou un autre.

— Si on veut avoir le temps de bloquer les portes, le plus tard sera le mieux.

Quand le soleil eut enfin disparu, ils vérifièrent leur équipement et pénétrèrent dans l’entrepôt voisin pour entrer par l’arrière. À cette heure-là, il n’y avait plus personne dans le quartier et les lampadaires n’éclairaient que des rues désertes.

Plaqués derrière le muret qui séparait les deux parkings, ils attendirent une nouvelle ronde du gardien. Lorsque celui-ci fut à l’intérieur, ils escaladèrent le mur et se faufilèrent derrière le bâtiment.

L’entrepôt, tout en tôle épaisse, était un immense cube sans fenêtres. À intervalles réguliers, des projecteurs dessinaient des ronds de lumière dans la nuit noire de l’hiver.

— Évitez les zones éclairées, murmura Krysztov en pointant du doigt vers les caméras de surveillance. Il faut que nous progressions rapidement, d’abri en abri.

Ari acquiesça et indiqua l’échelle de secours sur le flanc gauche de l’entrepôt. Elle n’apparaissait pas sur les plans.

— On va monter là-haut.

Le garde du corps passa le premier. Pistolet-mitrailleur au poing, il traversa le premier tiers du parking d’un pas rapide, toujours sur ses gardes. Il fit attention à ne jamais sortir de l’ombre puis se recroquevilla derrière une camionnette. Il attendit quelques secondes. Voyant que rien ne bougeait, il fit signe à Ari de le rejoindre. Ils se rendirent ainsi précautionneusement, en trois étapes, jusqu’au pied de l’échelle de secours.

Malgré le poids de son équipement, Krysztov parvint à monter les échelons rapidement et sans faire de bruit. Mackenzie, qui avait quelque peu perdu la main, mit plus de temps mais arriva en haut sans encombre.

Comme il l’avait espéré, Ari découvrit les deux verrières sur le toit. En étudiant la photo aérienne, il n’avait pu s’assurer qu’elles étaient transparentes. Mais c’était heureusement le cas, et cela allait leur faciliter la tâche.

— Passez-moi la caméra endoscopique ! Je vais essayer de regarder à l’intérieur sans me faire repérer.

— Vous ne voulez pas que je m’en charge, plutôt ?

Ari hésita.

— OK, vous savez sûrement faire ça mieux que moi. Je prends le moniteur.

Krysztov sortit la caméra de son sac.

La surface du toit était une sorte de plastique étanche mou. Ils purent avancer discrètement, le dos courbé. Arrivés à quelques mètres de la première verrière, ils se mirent à plat ventre et s’approchèrent le plus près possible.

Le garde du corps prit la tige flexible de la caméra du bout des doigts et tendit le bras pour amener le minuscule objectif au bord de la grande plaque vitrée.

Ari alluma le petit écran couleur devant lui. Il régla le point, le contraste et la lumière. La plateforme de l’entrepôt, quelques mètres plus bas, apparut progressivement dans le moniteur. Zalewski promena alors la caméra de droite et de gauche, pour embrasser tout l’entrepôt.

— Je compte au moins six personnes, murmura Ari. Quatre en bas, et deux dans les bureaux de la mezzanine. Attendez… Revenez un peu sur la gauche.

Krysztov inclina la caméra au bout de la fibre optique.

— Oui. Là. Ne bougez plus ! Regardez, Krysztov. Ces deux types devant le container rouge… Je parierais que Lola est à l’intérieur.

— On peut essayer de vérifier avec la caméra thermique si vous voulez.

— Passez-la-moi.

Le garde du corps dégagea doucement la caméra endoscopique de la surface en verre et la rangea dans son sac.

— Faites attention à ne pas vous exposer, dit-il en lui tendant la caméra thermique.

Mackenzie alluma l’appareil, qui ressemblait à de grosses jumelles améliorées. Il rampa sur les bras pour s’approcher davantage de la verrière, puis il se redressa sur les coudes et colla ses yeux sur les viseurs.

La silhouette des quatre hommes sur la plateforme se dessina devant lui en formes arrondies, dans un spectre violet, rouge et jaune. Il tourna l’appareil en direction du container et ajusta la sensibilité de la caméra. Les ondes de chaleur apparurent lentement dans le coin gauche du grand cube de métal. Une personne, repliée sur elle-même, qui bougeait à peine. Il fut certain que c’était elle. Lola. Recroquevillée à l’intérieur du container.

— Baissez-vous ! lança Krysztov en l’attrapant par le bras.

L’un des quatre gardes de la plateforme marchait vers le centre de la pièce, juste en dessous d’eux.

Ari se recula. Il attendit un instant et rendit la caméra à Zalewski.

— Pas de doute. Elle est dedans, dit-il d’une voix grave. On y va.

Ils retournèrent à plat ventre jusqu’au bord du toit, puis se levèrent pour rejoindre l’échelle.

— Attendez ! murmura Krysztov alors qu’Ari était sur le point de descendre. Il y a une trappe sur le toit, là. Je vais la sceller elle aussi, on ne sait jamais…

Le garde du corps sortit le pistolet de colle de son sac. Il déposa un joint tout autour de la trappe et revint vers Ari.

— C’est parti !

Les deux hommes redescendirent dans le parking de l’entrepôt. En bas, Ari fit signe à Zalewski d’aller sceller l’issue de secours la plus éloignée pendant que, le dos plaqué à la seconde issue, il surveillait ce côté-ci du bâtiment.

Krysztov longea le mur au plus près. Il espérait que les caméras de surveillance, en hauteur, n’avaient pas un angle suffisant large pour qu’il fût dans le champ. Il bloqua la première issue de secours et revint vers Ari. Celui-ci s’écarta de la deuxième porte et laissa Zalewski officier. La pâte blanc cassé de la colle cyanoacrylate coula le long des ouvertures et se solidifia rapidement.

— On peut y aller, murmura le garde du corps en rangeant le pistolet.

Mais alors qu’ils allaient se mettre en route, un grincement bruyant de l’autre côté de l’entrepôt résonna dans tout le parking. Ari retint Krysztov derrière lui.

Des bruits de pas s’élevèrent dans l’allée, de plus en plus proches. Le garde avait visiblement avancé sa ronde de plusieurs minutes. Peut-être s’étaient-ils fait repérer.

Ari dégaina son Beretta, mais Zalewski l’attrapa par l’avant-bras. Il posa un doigt sur ses lèvres pour faire signe à l’analyste de ne pas faire de bruit, puis il prit un couteau à sa ceinture et passa devant lui.

Les pas du garde approchèrent et son ombre longue, projetée par la lumière d’un lampadaire, se dessina sur l’asphalte.

Quand le garde apparut au coin du mur, Krysztov se précipita vers lui. Le geste, mille fois répété, fut effectué à la vitesse de l’éclair. Zalewski attrapa son adversaire par l’épaule et lui trancha la gorge d’un mouvement vif et précis.

Le sang se mit à couler abondamment. Le garde porta les mains à son cou, les yeux exorbités et, incapable de crier, s’écroula sur le sol. Il mourut dans l’instant.

Krysztov tira le cadavre par les jambes et le traîna au pied du mur pour éviter qu’il soit vu, puis il fit signe à Ari que la voie était libre.

Ils avancèrent dans l’allée l’un derrière l’autre, en tenant le canon de leur pistolet-mitrailleur vers le sol. Arrivés à l’angle de la façade principale, ils marquèrent un temps d’arrêt. Ari s’approcha du coin du mur et jeta un bref coup d’œil de l’autre côté. Personne. Mais la porte en métal à gauche du grand rideau de fer était ouverte. Le garde n’avait pas dû la refermer en sortant.

— Vous voulez la caméra ? demanda Krysztov à voix basse.

— Non. Pas le temps. Ils vont bientôt s’inquiéter de l’absence du garde. Il faut qu’on agisse vite.

Ari inspira profondément en fermant les yeux une seconde. Il devait se concentrer. Il n’avait pas le droit à l’erreur. Cette fois, il en était certain, Lola était à l’intérieur et le moindre faux pas, la moindre balle perdue pouvait engendrer une catastrophe.

Ils s’étaient mis d’accord sur une stratégie. Ari devait empêcher l’ennemi de rentrer dans le container pour se servir de Lola comme bouclier humain. Ce serait sans doute leur premier réflexe. Il allait donc falloir couvrir l’entrée pendant toute l’opération. De son côté, Krysztov allait devoir éliminer les adversaires. Un par un.

Mackenzie alluma son émetteur-récepteur, glissa l’écouteur dans son oreille, assura sa prise sur le manche du FN P90 et passa l’angle du mur. Il s’accroupit à côté de la porte et prit dans son sac une grenade aveuglante. Il espérait que le flash et la forte détonation seraient suffisamment longtemps incapacitants pour leur permettre de rentrer dans le bâtiment et se mettre à l’abri.

Il ôta la goupille, se colla au bord de la porte, attendit un instant puis jeta la grenade à travers l’ouverture, vers le centre de l’immense pièce.

Un homme à l’intérieur poussa un cri d’étonnement.

— C’est quoi cette merde ? !

Ari et Krysztov s’accroupirent, fermèrent les yeux et se bouchèrent les oreilles.

La détonation retentit à l’intérieur de l’entrepôt et résonna au milieu des murs de tôle. Sans attendre, Ari se précipita de l’autre côté de la porte, suivi de près par le garde du corps. Courbé, il courut vers la droite et s’abrita derrière un large pylône. Krysztov, du côté gauche, sauta derrière une haute caisse en métal.

Ils donnèrent aussitôt l’assaut, de concert, avant que les hommes à l’intérieur ne reprennent leurs esprits.

Ari, son arme à l’épaule, visa les deux gardes postés devant le container rouge. Il s’agissait de faire vite. Il n’eut aucune peine à toucher le premier qui, aveuglé par la grenade, était encore en train de se frotter les yeux. Les balles atteignirent l’homme dans la tête et la poitrine. Il fut instantanément projeté au sol dans un flot de sang. Mais quand Ari voulut tirer vers le second, celui-ci s’était déjà abrité derrière le container il commençait à faire feu en leur direction avec un pistolet automatique.

À gauche, Krysztov fut plus rapide encore. Il parvint à abattre d’une seule rafale les deux hommes dont il était chargé et qui couraient vers l’issue de secours. L’un après l’autre, ils s’écroulèrent, fauchés par les balles.

Le vacarme était assourdissant. Détonations, cris, l’orage s’était abattu d’un coup à l’intérieur des murs. Les déflagrations résonnaient, amplifiées, dans toute la hauteur du hangar.

Ari fit un geste du bras en direction de son partenaire pour lui montrer l’homme qui le visait depuis la mezzanine Krysztov se remit à l’abri juste à temps. Les balles ricochèrent sur la caisse métallique, projetant des gerbes d’étincelles orangées. La fusillade reprit de plus belle.

Mackenzie se concentra à nouveau sur l’homme caché derrière le container rouge. Il fallait absolument qu’il l’empêche d’entrer. Protéger Lola, c’était tout ce qu’il avait à faire. Mais de là où il était, impossible de viser. Ari se baissa et inspecta la plateforme sur sa droite. Il y avait un autre pilier, six ou sept mètres plus loin. Traverser cet espace serait périlleux, mais il n’avait pas le choix : il devait reprendre le dessus. Il dirigea son arme vers le container et se précipita, à découvert, vers le deuxième pilier. Il parcourut les quelques mètres tout en envoyant un feu nourri vers son adversaire. Les étuis s’éjectèrent un à un par le dessous du FN P90 et tintèrent en tombant sur le sol.

Le garde, de l’autre côté, resta à l’abri pendant toute la salve et Ari put se plaquer contre le pilier sans avoir à essuyer la moindre riposte. Il resta quelques secondes collé contre la paroi métallique, leva la tête le temps de reprendre son souffle, puis tenta une sortie par la droite. Ne pas rompre le rythme. Submerger l’ennemi.

L’homme était à présent dans son angle de tir. Il prit le temps de viser et appuya sur la détente. Sa première balle cingla contre la tôle. La deuxième atteignit son adversaire à l’épaule gauche. Éjecté contre le container, le garde tomba en grimaçant, mais, une fois assis par terre, fit feu à son tour, à l’aveugle. Ari dut se remettre à l’abri.

De l’autre côté du hangar, Krysztov semblait éprouver des difficultés à se débarrasser du tireur perché sur la mezzanine. Ari pencha la tête pour essayer de le voir, mais celui-ci était trop en retrait sur la coursive, hors de son champ de vision. Alors qu’il était sur le point de rabaisser son regard, l’analyste aperçut du coin de l’œil une silhouette derrière la baie vitrée que longeait la mezzanine. Un homme, dans le bureau, courts cheveux bruns, costume noir, était en train de passer un coup de téléphone tout en regardant la fusillade.

Mackenzie fut certain de reconnaître Mancel. Il ressemblait à l’homme de la photo envoyée par Iris.

Au même instant, des étincelles jaillirent à côté de lui. Il se protégea derrière le pilier. Son adversaire avait profité de ces instants d’inattention pour changer de position et l’inondait de balles.

Ari se baissa et passa de l’autre côté du pilier. Avançant prudemment, il repéra bientôt le tireur qui, toujours assis par terre, s’était abrité derrière un monte-charge. Il ne pouvait voir que ses pieds et ses jambes, sous le véhicule, mais c’était amplement suffisant. Il se cacha à nouveau derrière le pylône et attendit la fin de l’attaque. Le nombre de balles dans un pistolet automatique n’était pas infini, le garde allait forcément cesser de tirer.

Quand les détonations prirent fin, Ari se remit en position. Le pistolet-mitrailleur collé contre la joue, il prit cette fois tout son temps pour viser. Essayant de calmer sa respiration et de ne pas se laisser déconcentrer par le vacarme, il ajusta le viseur, puis il tira quatre balles dans les jambes de l’homme derrière le monte-charge. Il entendit les cris hallucinés du garde puis il le vit s’écrouler par terre en se tenant les cuisses. Il envoya une nouvelle rafale et atteignit cette fois son adversaire en pleine tête. L’homme s’immobilisa aussitôt, la cervelle en charpie.

Ari se redressa. Le container était sécurisé.

Il souffla un peu, puis il se tourna vers Zalewski, encore aux prises avec le tireur de la mezzanine. Ils faisaient feu l’un après l’autre sans jamais atteindre leur cible, dans un enfer de lumière et de bruit.

Mais pour le moment, Mackenzie avait encore à faire. Impossible de porter secours à son partenaire. Il jeta un coup d’œil vers le container puis, voyant que la voie était libre, il courut à toute vitesse jusqu’à la porte rouge. Il vit aussitôt le gros cadenas qui bloquait la barre de fer.

Il tapa furieusement contre la plaque de métal.

— Lola ! hurla-t-il au milieu des détonations. Lola !

La voix de la jeune femme résonna soudain à l’intérieur.

— Ari !

Elle poussa alors un cri mêlant la peur, le soulagement et la détresse. Mackenzie sentit sa gorge se nouer.

— Ne t’inquiète pas, Lola, je vais te sortir de là !

Il se précipita vers le cadavre du premier garde qu’il avait abattu en entrant et fouilla ses poches. Aucune clef.

— Merde !

Il fit volte-face et courut vers le second, étendu dans une marre de sang derrière le monte-charge. Mais il eut beau le fouiller plusieurs fois, il ne trouva rien non plus. Il pesta et retourna vers la porte du container.

Il fixa le cadenas. Difficile de le faire sauter comme ça, sans risquer de blesser Lola. Mancel détenait sans doute la clef. Ari regarda vers la mezzanine. Le bureau était toujours allumé et il devina l’ombre de Mancel à l’intérieur. Il ne restait qu’un seul de ses hommes de main, mais Krysztov ne parvenait pas à le déloger.

Ari se pencha vers le micro de son émetteur, sur son col.

— Krysztov, vous me recevez ?

— Affirmatif.

— Le container est fermé. Mancel doit avoir la clef. Il faut que je trouve un moyen de monter là-haut. Couvrez-moi.

— Bien reçu.

Ari inspecta le haut du hangar. Tout au bout de la mezzanine, à droite, il y avait une sorte de gros cube – un local technique – sur lequel il pouvait tenter de grimper. En escaladant le long du mur nord de l’entrepôt, Mackenzie pouvait l’atteindre et prendre le tireur caché à revers. C’était périlleux, mais cela valait le coup d’essayer. De toute façon, il n’y avait plus personne en bas ; Lola, pour le moment, ne risquait rien.

Les échanges de coups de feu continuaient entre Krysztov et le garde. Ari courut vers le mur en tôle en face de lui.

Une fois au pied de la paroi, il fit passer son pistolet-mitrailleur dans son dos et commença à escalader un pilier métallique. Les boulons dépassaient suffisamment de chaque côté pour qu’il puisse prendre appui, mais le risque de glisser restait grand. Les mains crispées sur la colonne de fer, Ari monta prudemment vers le toit. À mi-hauteur, il fit une courte halte. Son épaule lui faisait encore atrocement mal et la moindre traction lui faisait comme un coup de poignard dans l’omoplate. Mais ce n’était pas le moment de faiblir. Il inspira profondément et reprit son ascension, sans regarder vers le bas. Pour ne pas perdre prise, ses muscles se tendaient de plus en plus, à lui donner des crampes. Il continua en relâchant ses membres au maximum.

De l’autre côté, Krysztov maintenait la pression sur le tireur. Le bruit des balles ne cessait d’emplir l’espace du hangar. C’était une symphonie sans fin.

Ari parvint enfin à hauteur de la mezzanine. Là où il était, le tireur ne pouvait pas le voir : il était protégé par le local technique. Mais il allait maintenant devoir y accéder.

Il hésita. Il avait dans son sac une corde, mais il se sentait bien incapable de la récupérer sans risquer de tomber en arrière. Non. La meilleure solution était de grimper plus haut et de traverser pendu à la corniche qui longeait le toit. Ari espérait seulement qu’il avait encore assez de force dans les bras.

Il parcourut les derniers mètres qui le séparaient du plafond, puis de la main gauche s’agrippa au rebord métallique. Ses doigts se refermèrent solidement sur la poutrelle. Mais le plus dur restait à faire : amener sa deuxième main.

Ari dut faire plusieurs tentatives. Chaque fois qu’il lâchait le pilier sur sa droite, il avait l’impression de tomber en arrière et devait se rattraper aussitôt sans avoir eu le courage de faire passer sa main de l’autre côté.

Le rythme de son cœur s’était encore accéléré, il battait à tout rompre et le sang frappait contre ses tempes. L’analyste ferma les yeux et secoua la tête pour chasser les gouttes de sueur qui coulaient de son front, puis il essaya une nouvelle fois. Il lâcha le pylône. À cet instant, son pied gauche glissa du boulon et il perdit l’équilibre. Il se rattrapa de justesse, et, par réflexe, s’agrippa enfin à la corniche au-dessus de lui.

Suspendu par les mains, Ari se balança deux ou trois fois dans le vide puis se stabilisa. Le souffle court, il entama sa traversée, soulevant une main après l’autre pour s’approcher de la mezzanine. Il transpirait tellement que ses doigts glissaient, ce qui le contraignait à aller vite. Après quelques mètres, il trouva un rythme régulier et s’aida en projetant ses jambes de droite à gauche pour franchir un espace plus grand.

À bout de forces, il atteignit enfin à l’extrémité de la corniche. Il jeta un coup d’œil rapide vers le bas. Ses doigts continuaient de glisser sur la poutrelle. Il devait agir vite pour ne pas tomber. Malheureusement, le toit du local technique n’était pas en dessous de lui. Il allait devoir prendre de l’élan avant de se lâcher dans le vide.

Il remarqua à cet instant que les échanges de tirs s’étaient accrus dans son dos, et qu’un troisième type de détonation résonnait dans le hangar. Mancel était sans doute sorti de son bureau et le pauvre Krysztov devait faire face à deux tirs croisés. Il n’y avait plus de temps à perdre.

Puisant dans ses dernières ressources, il donna un grand coup de hanche et s’élança.

Il comprit aussitôt qu’il n’avait pas pris assez d’élan pour que ses pieds retombent sur le local technique. Pris de panique, il tendit les bras et parvint à s’agripper par les mains. Son buste heurta violemment le mur en tôle. Malgré la douleur du choc, il se hissa sur le toit. À genoux, il attrapa le pistolet-mitrailleur dans son dos, se plaqua contre le sol et rampa jusqu’au bord du local technique. Arrivé au bout, il aperçut enfin le tireur qui, caché derrière le muret au tout début de la mezzanine, causait tant de problèmes à Zalewski.

Ari ajusta son tir. Parfaitement dans l’axe, il n’eut besoin que d’une balle.

L’homme fut atteint en pleine nuque. Projeté vers l’avant, il passa par-dessus. Son corps tourna deux fois sur lui-même avant de s’écrouler bruyamment sur le sol, quatre ou cinq mètres plus bas.

Ari, qui venait de se faire repérer, essuya alors la riposte d’Erik Mancel. Celui-ci l’inonda de balles tout en reculant pour s’abriter dans son bureau.

Mackenzie rampa pour se mettre hors de portée, puis rapprocha sa bouche du petit micro de l’émetteur.

— Krysztov, vous me recevez ?

— Cinq sur cinq.

— Mancel est acculé dans son bureau. Il ne reste plus que lui.

— Vous voulez que je balance une grenade là-haut ?

— Non. Je crois que le procureur serait heureux qu’on en ait au moins un vivant ! Et puis je veux récupérer la clef du container. Essayez d’envoyer un fumigène.

Au même moment, il y eut des bruits de crissements de pneus à l’extérieur. Ari se redressa. En bas, il vit Krysztov sortir de sa cachette et jeter un coup d’œil dehors.

— Oh ! Putain ! Deux voitures, Ari ! Et c’est pas des gars de chez nous. Il a dû appeler des renforts.

C’était donc cela, le coup de fil qu’Ari l’avait vu passer au début de la fusillade. Il y eut des bruits de portes puis, aussitôt, des coups de feu retentirent dans le parking. Les balles sifflèrent à l’intérieur de l’entrepôt.

— Lola ! s’exclama Ari. Il faut les empêcher d’aller la récupérer !

— Je m’en charge !

Zalewski ferma la porte d’entrée d’un coup de pied et courut vers le container. Il se plaqua sur le côté et attendit que les renforts pénètrent à l’intérieur.

Un grand vacarme résonna dans le hangar, puis le rideau de fer se leva lentement. Ari se mit en position. La lumière des phares illumina progressivement la plateforme et, soudain, ce fut un déluge de métal.

Ari pesta. Ils étaient pris au piège. La voix de Krysztov grésilla dans son écouteur.

— On va pas s’en sortir, Ari !

Mackenzie serra les dents. Il aurait préféré terminer cette expédition seul. Mais Krysztov avait raison.

— OK. J’appelle la cavalerie, répondit-il au milieu du sifflement des balles.

Il prit son téléphone portable dans sa poche et appela, à contrecœur, le procureur Rouhet.

Aucune réponse. Pas même de sonnerie. Ari regarda les petites barres sur son téléphone. Il n’y avait pas assez de réseau pour téléphoner. Ari tenta d’envoyer un SMS. Il composa le numéro de plusieurs destinataires, celui du procureur mais aussi de Depierre, d’Iris et du commissaire de la DIPJ. Autant mettre toutes les chances de son côté. Il leur donna l’adresse et ajouta simplement : « Envoyez-nous le GIGN. »

Les balles fusaient autour de lui. Ari rangea son téléphone, et recula afin de mieux s’abriter. Arrivé au bord du toit du local technique, il se pencha sur le côté droit pour inspecter le bureau derrière la mezzanine.

Mancel s’approchait de la porte. Ari n’hésita pas une seconde et l’arrosa de son pistolet-mitrailleur. Les vitres volèrent en éclats. L’homme fut contraint de se réfugier à nouveau à l’intérieur.

Mackenzie roula de l’autre côté et se mit à tirer vers l’entrée principale. Mais il était trop en hauteur et ne pouvait voir ses adversaires, lesquels submergeaient Krysztov de rafales régulières. Le garde du corps n’allait pas pouvoir défendre longtemps sa position et le container de Lola allait bientôt être à nouveau à découvert.

Ari, en désespoir de cause, attrapa une grenade à fragmentation dans son sac. Il dégoupilla l’anneau, coinça la cuillère entre ses doigts, puis envoya la M67 vers le rideau de fer. La grenade rebondit plusieurs fois au sol et arrêta sa course au-dehors.

L’explosion retentit dans tout le quartier et illumina l’asphalte pendant quelques secondes. Les coups de feu furent interrompus un instant, puis reprirent de plus belle. Au mieux, Ari les avait dissuadés de s’approcher trop de l’entrée. Ce n’était déjà pas si mal.

Soudain, une nouvelle explosion, plus forte encore, sembla venir de l’arrière du bâtiment.

Ari sursauta, puis se retourna vers la droite. Il vit alors, en contrebas, que la première porte de secours venait de sauter. Deux hommes pénétrèrent dans le bâtiment l’arme au poing. Zalewski allait être pris à revers.

Ari se mit debout et envoya une rafale en direction des nouveaux intrus. Il toucha le deuxième homme qui s’écroula au sol, mais le premier était passé.

— Je vais pas tenir longtemps ! hurla le garde du corps dans l’émetteur.

Ari courut de l’autre côté du promontoire et tenta de couvrir Krysztov. Les hommes passaient le rideau de fer les uns après les autres. Zalewski, tout seul en bas, était pris dans un étau et devait faire face à six hommes au moins, sur deux fronts différents.

Mackenzie vida son chargeur, le remplaça et en vida un second, arrosant tantôt l’entrée principale, tantôt le couloir en dessous de lui.

Soudain, il entendit le cri de Zalewski dans son écouteur.

— Je suis touché ! Il faut que vous descendiez, je ne peux plus couvrir les deux côtés.

L’analyste se précipita vers le bord du local technique et sauta sur la mezzanine. Il roula sur le sol grillagé et s’apprêta à tirer vers le bureau de Mancel. Mais il découvrit alors avec surprise que celui-ci n’y était plus.

Ari baissa les yeux et vit l’homme en bas de l’escalier, qui courait vers l’extérieur. L’ordure allait s’échapper !

Le sang de Mackenzie ne fit qu’un tour. Il dévala quatre à quatre les marches de l’escalier. En bas, les hommes approchaient de plus en plus du container. Il envoya une salve en leur direction pour les faire reculer puis, sans attendre, il fit volte-face et partit à la poursuite de Mancel, déjà sans doute dans le parking.

Arrivé à quelques pas de la porte de secours, Ari aperçut juste à temps, sur sa droite, l’homme qui avait pris Krysztov à revers. Les coups de feu claquèrent dans des flashs blancs. Ari se jeta au sol et riposta, couché sur le côté. Le corps criblé de balles, son assaillant s’écroula dans des caisses en bois derrière lui.

Mackenzie se releva aussitôt et partit vers l’arrière de l’entrepôt.

— Krysztov, Mancel est dehors, je dois le poursuivre ! Je suis désolé, mais je vous laisse vous démerder tout seul ! J’ai eu le mec derrière vous !

Il n’y eut pas de réponse.

Ari serra les dents, mais il ne pouvait hésiter. Chaque seconde comptait. Il sortit sur le parking en courant. Il entendit alors un claquement de porte sur sa droite. Il tourna aussitôt la tête et vit Mancel s’installer au volant d’un 4x4. Sans prendre le temps d’épauler son arme, Ari tira sur le conducteur. Les balles ricochèrent contre la vitre blindée, provoquant de petits éclats en forme de flocons de neige. Les phares s’allumèrent, éblouissants, et la voiture démarra.

Dans un crissement de pneus, le 4x4 fonça droit sur lui. Ari releva son FN P90 et tira une nouvelle rafale. Mais le pare-brise résistait. La voiture n’était déjà plus qu’à quelques mètres. La lumière des phares troublait sa vue. Mackenzie hurla sans cesser de faire feu. Les balles rebondissaient une à une, striant le verre de mille veines blanches sans jamais parvenir à le briser.

Les mains crispées sur le volant, Mancel donna un coup d’accélérateur. À la dernière seconde, l’analyste eut le réflexe de sauter et roula sur le bitume. L’avant du 4x4 le frôla de justesse. Ari se redressa et recula juste à temps pour éviter l’arrière. Il fit deux pas de côté et vida le chargeur de son pistolet-mitrailleur sur le pneu du véhicule.

La gomme vola en éclats et le 4x4 partit aussitôt en dérapage. Il s’encastra d’un coup violent dans la tôle de l’entrepôt.

Ari lâcha son FN P90 au sol et sortit le Beretta de son holster. Le bras tendu devant lui il marcha droit vers la voiture et commença à faire feu.

La portière passager s’ouvrit et Mancel, sonné, rampa au-dehors tout en tirant vers Ari. Les balles sifflèrent autour de lui mais il ne chercha pas à s’abriter. C’était comme s’il voulait en finir, comme s’il était possédé et qu’il se sentait invincible. Lui ou moi. Ari avançait, stoïque, le regard froid, et tirait, sans sourciller, les balles les unes après les autres, avec la mécanique d’un robot. Les éclairs blancs de son automatique déchiraient la nuit.

Mancel, titubant, se releva en s’appuyant sur la portière derrière lui. Au même instant, il reçut une balle en pleine poitrine. Ses yeux s’ouvrirent dans une expression de surprise et son regard se figea, comme s’il ne parvenait à croire qu’il pût être touché.

Ari, lui, ne s’arrêta pas, hypnotisé par la rage. Le canon pointé vers son adversaire, il continua sa marche folle et tira encore et encore… Les balles s’enfoncèrent une à une dans le torse déchiqueté d’Erik Mancel, le clouant contre la porte du 4x4.

Quand son chargeur fut vide, Ari s’arrêta enfin et il se tint debout, hagard, le bras tendu, au milieu du parking.

Le corps de Mancel glissa lentement le long de la voiture puis s’écroula sur le sol comme un sac de sable.

Ari, le regard rouge, fut soudain sorti de sa torpeur par le bruit d’un hélicoptère et des crissements de pneus autour de lui. Le large rayon d’un puissant projecteur se mit à balayer le parking.

Abasourdi, Mackenzie comprit toutefois ce qu’il se passait. Il lâcha son arme et leva les mains en l’air pour ne pas se faire abattre par les hommes du GIGN.

Les gendarmes surgissaient de tous les coins. Certains sortaient de camionnettes blindées stationnées dans le parking, d’autres descendaient au bout de câbles déroulés depuis l’hélicoptère, le tout dans une impressionnante et implacable chorégraphie.

Ari resta quelques instants immobile, pendant que, de l’autre côté de l’entrepôt, les coups de feu retentissaient en cascade.

Puis tout se calma enfin. Les détonations, les cris, les explosions. Seul persistait le bruit tournoyant des pales de l’hélicoptère au-dessus d’eux.

Un homme du GIGN s’approcha d’Ari paralysé et l’attrapa par le bras.

— Commandant Mackenzie ? Tout va bien ?

Ari, encore confus, choqué, mit du temps à répondre. Puis il hocha doucement la tête. Il marcha alors vers le corps inanimé d’Erik Mancel.

— Qu’est-ce que vous faites ? demanda le militaire en le retenant par l’épaule.

Mais Ari se dégagea et, sans un mot, fouilla le cadavre. C’était comme s’il était soudain revenu à lui. Dans la troisième poche qu’il inspecta, il trouva une clef plate.

Il se redressa et se dirigea d’un pas rapide vers l’intérieur de l’entrepôt, suivi de près par le gendarme du GIGN, perplexe. Il traversa la plateforme et atteignit le container.

Il vit alors deux gendarmes emmener Krysztov sur un brancard. Le garde du corps lui fit un signe rassurant. Mackenzie les regarda s’éloigner puis se précipita vers le container et inséra la clef dans le cadenas. La serrure s’ouvrit. Les mains tremblantes, le cœur prêt à lâcher, il enleva la barre de fer et fit coulisser la lourde porte.

La lumière blafarde des projecteurs se faufila dans le grand cube de métal.

L’image était irréelle. Un cliché noir et blanc, surexposé. Le petit corps de Lola, agenouillée contre le mur du fond, se dessina sous le regard médusé d’Ari. La jeune femme, éblouie, terrorisée, plongea la tête dans ses mains. Ses cheveux noirs glissèrent délicatement par-dessus ses bras.

Ari, le cœur battant, se jeta à l’intérieur. Les yeux embués de larmes, il s’accroupit devant elle. Il la prit dans ses bras et la serra de toutes ses forces.

Lentement, le corps de Lola se détendit. Elle l’enlaça à son tour et éclata en sanglots. Ils restèrent longtemps serrés l’un à l’autre, agrippés comme s’ils ne voulaient plus jamais être séparés.

Mackenzie attrapa le visage de Lola dans ses mains, lui fit redresser la tête et plongea son regard dans le sien. Elle était plus belle que jamais. Si fragile. Il caressa ses tempes, submergé d’émotion. Lola. Sa Lola. Il s’approcha d’elle et la couvrit de baisers. Puis ce fut comme si le monde autour d’eux avait disparu.

 

Le rasoir d'Ockham
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